\n
\nOn oppose souvent 2 approches pour la prise en charge des douleurs :
\n
\nOn entends parfois (et je l'ai peut être dit), que les neurosciences de la douleur viennent contredire les données issues de la biomécaniques.
\n
\nMais c'est faux.
\n
\nEn réalité, c'est la recherche en biomécanique qui contredit le modèle biomécanique.
\n
\nEt on va voir quelques exemples de douleurs dans lesquelles la recherche a montré que la biomécanique n'a probablement pas d'importance.
\n
\nQuand on fait de la recherche en biomécanique, on peut comparer un groupe de gens qui ont des douleurs avec un groupe de gens qui n'ont PAS de douleurs, et on peut chercher les différences.
\n
\nEt selon les outils dont on dispose, on peut tester PLEIN de trucs :
\nEt on peut trouver plein de trucs qui \"dysfonctionnent\" chez les gens qui ont mal :
\n
\nEn gros : les gens qui ont mal bougent différemment. Incroyable.
\nDans sa conférence, face à des dizaines de kinés passionnés, Greg Lehman pose une question qui laisse l'assemblée sans voix : \"Au cours des 30 dernières années, quelles publications en biomécanique nous ont permis de modifier notre pratique ? De changer concrètement ce qu'on fait avec nos patients ?\"
\n
\nGros silence de l'auditoire.
\n
\nIl ajoute \"C'est un exercice qui pousse à l'humilité. C'est un peu mieux quand on parle de blessures : on comprends mieux les mécanismes d'apparition des lésions des ligaments croisés, ou les blessures musculaires... Mais quand on parle de douleur persistante, de douleur d'épaule... étonnamment, c'est assez maigre.\"
\n
\nPrenez n'importe quel mécanisme que l'on prétend être la cause d'une douleur.
\nPar exemple : \"manque de stabilité de la colonne\" ou \"manque de musculature des muscles abdominaux profonds\". Ou encore \"manque d'activation du vaste médial\" pour la douleur de genou.
\n
\nPour déterminer si ce mécanisme est EFFECTIVEMENT la cause de la douleur, il faudrait passer par 4 étapes :
\n-------
\nEst il plausible que ce soit lié à la douleur ?
\nPrenons un exemple : on a un temps pensé que le mal de dos était lié à une \"faiblesse musculaire\".
\nMais de combien de force avez vous besoin pour vous tenir assis ? Ou faire vos activités quotidiennes ?
\nProbablement un tout petit pourcentage de votre force maximale.
\nIl faudrait donc une perte ééééénorme de force pour que le mécanisme soit plausible.
\nEn plus de ça, des athlètes peuvent également avoir des douleurs, malgré leur force extraordinaire.
\nDonc c'est peu plausible. (Et depuis la conférence de Lehman, on a de nouvelles données qui montrent que ce n'est probablement pas le fait d'améliorer la force qui améliore la douleur... Et le pratiquant de Force Athlétique que je suis en est très attristé, mais hé... c'est la vie).
\n
\nEst-ce associé à la douleur ? Avons nous des données prospectives ?
\n\"Tu as mal à la nuque à cause de la position de ta tête !\". Ca aussi vous l'avez déjà entendu !
\nPour l'affirmer, il faudrait déjà prouver qu'il y a une association entre ce type de posture et la présence de douleur. Ca voudrait dire qu'on retrouve plus fréquemment ce type de posture chez les gens qui ont mal.
\nSi ca existait, cela ne suffirait PAS à affirmer que cette posture est la cause de la douleur.
\nPour cela, il faudrait des données prospectives : suivre des gens pendant une longue période, et voir si ceux avec cette posture développent + de douleurs que les autres.
\nSpoiler : ces études, souvent, n'existent pas.
\n
\nEst-ce que ca peut changer, et est-ce que ca doit changer pour avoir moins mal ?
\nC'est là l'argument principal de Greg Lehman : la plupart des paramètres mis en avant par la biomécanique comme étant importants dans les douleurs, n'ont souvent PAS BESOIN DE CHANGER pour que les gens aillent mieux.
\nOn peut citer par exemple le timing d'activation du muscle transverse de l'abdomen, parfois pointé du doigt comme coupable dans la lombalgie : ce timing n'a pas besoin de changer pour que les gens aillent mieux. J'en parlais dans ma vidéo sur le sujet il y a près de 2 ans.
\nNB : on peut dire la même chose pour certains facteurs anatomiques : on a pas besoin de faire disparaitre l'arthrose de quelqu'un pour qu'il ait moins mal, par exemple.
\n
\nCe syndrome se traduit par une douleur autour de la rotule, augmentée lors d'activités qui mettent de la contrainte sur le genou (faire des squat, monter les escaliers, être assis longtemps, ou courir).
\n
\nUn papier de Simon Lack et collaborateurs en 2018 indiquait par exemple que renforcer les muscles de le HANCHE pouvait être bénéfique pour améliorer les symptômes du genou. C'est d'ailleurs ce qu'ils recommandent de faire en priorité, avant de solliciter le genou (qui peut être trop sensible).
\n
\nPar quel mécanisme renforcer les grands fessiers pourrait améliorer les douleurs de genoux ?
\nL'hypothèse initiale, c'était que le Grand Fessier permettait de limiter la rotation interne de fémur.
\nDonc en gros : ton grand fessier est trop faible, ton fémur fait trop de rotation interne, donc ton genou fait un truc chelou (on parle de \"Patellar Maltracking\"), et bam, ca fait mal au genou.
\nSi tu renforce ton Grand Fessier, ton fémur arrête d'aller en rotation interne, donc ton genou ne fait plus le truc chelou, et bam, ca fait moins mal au genou.
\nExplication élégante, n'est-ce pas ?
\n
\nPetit problème cependant : quand on fait des programmes de renfo qui ont pour objectif de modifier la facon dont les membres inférieurs bougent (on parle de \"cinématique\")... La cinématique des membres inférieurs ne change pas. Ou pas toujours.
\nNB : ca a encore été confirmé dans ce papier paru en 2021, et celui-ci paru fin 2023.
\n
\nDonc l'explication complexe et élégante qu'on avait à la base, elle ne colle finalement pas.
\nEst-ce que l'intervention proposée fait quand même du bien ? OUI !
\nJuste pas pour la raison biomécanique complexe invoquée à la base.
\n
\nUne autre question qu'on aurait pu se poser c'est : est-ce qu'il y a une association ou des études prospectives qui font le lien entre rotation interne de fémur et douleur de genou ?
\n
\nUne étude a été faite sur le sujet. Résultat : les gens qui avaient + de rotation interne de fémur ne développaient pas plus de douleur de genou.
\n
\nDONC... Ce qui semble logique sur le papier, ce qui semble être une super théorie biomécanique pour expliquer les douleurs... Quand on le teste dans des études de biomécanique... Ca ne tient pas la route.
\nAlors on fait quoi ?
\n
\nPour continuer sur l'exemple de la douleur de genou, de la rotation interne de fémur et du valgus...
\n
\nImaginez que vous ayez devant vous quelqu'un pour qui la position à droite sur cette image est douloureuse (valgus de genou), et que cette personne est mieux dans la position de gauche (pas de valgus).
\nVous proposez quoi ?
\n
\n\"Faites comme vous êtes le plus à l'aise\".
\n
\nPour reprendre les mots de Greg Lehman : \"Wow, on est passé par toutes ces études biomécaniques pour dire : ca vous fait mal de faire ca ? Ne le faites pas.\"
\n
\nMais remarquez que ca peut marcher dans l'autre sens. Si ca vous fait mal de faire un squat (ou de courir) avec les genoux bien alignés, mais que vous êtes + à l'aise avec les genoux légèrement vers l'intérieur, c'est probablement OK.
\nEn tout cas, c'est ce que semblent indiquer les recherches en biomécanique.
\n
\nDans l'exemple des douleurs de genou pour un syndrome fémoro-patellaire, faire des exos de renfo sur la hanche reste une bonne idée.
\nMais pas en raison de la belle théorie biomécanique initiale, qui s'est avérée fausse.
\nC'est pour une raison bien plus simple, et qui fait AUSSI intervenir la biomécanique :
\nOn aide la personne à rester active, à faire des exercices (parfois intenses), mais en réduisant temporairement les contraintes sur la zone douloureuse (c'est là que la biomécanique est impliquée).
\n
\nC'est la méthode \"CALM SHIT DOWN, BUILD SHIT BACK UP\".
\nC'est une méthode présentée par exemple dans ce papier qui parle de la façon dont on porte des charges.
\n
\nEnfin, message important à retenir :
\n
\nJuste, si ces pattern de mouvements deviennent sensibles, il peut être intéressant d'utiliser des BASES de biomécanique pour réduire temporairement les contraintes... Puis d'en réappliquer progressivement.
\n
\nSans faire croire à la personne qu'elle bouge \"mal\".
\n
\nC'est ce que j'aborde dans la formation \"Know Pain, Know Gain\" qui allie sciences de la douleur et de l'entrainement, pour accompagner au mieux les sportifs douloureux.
\n
\nLes inscriptions réouvriront dans les mois à venir (je suis en train de la mettre à jour, et d'ajouter encore plus de contenu pertinent pour la pratique clinique).
\n
\nSi vous avez des retours, ou des remarques après avoir lu cet article, n'hésitez pas à m'en faire part.
\n
\nA bientôt,
\n
\nPierre-Elie Bernard
\nOstéopathe, Fan de Fonte et de Science
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